21 avril 2020, Gabriel Dorthe, conférencier et docteur en philosophie et sciences de l’environnement, vous présente sa vision sur les conséquences de cette crise pour nos sociétés.
Déconfiner les technologies – pour un futur plus dense
Vous souvenez-vous, il y a juste quelques semaines, des débats brûlants sur le transhumanisme, l’immortalité, l’intelligence artificielle, les manipulations génétiques susceptibles de guérir toutes les maladies, ou le remplacement de nombreux métiers par des robots – à commencer par les caissières de supermarché ? Ivres de projections futuristes, nous avions triomphalement oublié que nos objets techniques ne sont jamais sagement disponibles. Ils nous imposent leurs exigences : batteries, protocoles, chaînes d’approvisionnement, stocks.
L’état d’exception induit par le confinement a eu pour effet un formidable renversement des régimes de visibilité du dispensable et de l’indispensable. Nous nous sommes soudain mis à regarder avec tendresse notre box internet, à paniquer devant un voyant rouge clignotant, ou à surveiller anxieusement le niveau d’encre de l’imprimante qui allait nous délivrer notre attestation de déplacement. Nous avons appris, médusés, que les médicaments ou les aliments n’apparaissent pas magiquement sur les étals, mais traversent un long processus logistique.
La prétendue dématérialisation de nos modes d’existence a été rappelée soudainement à sa matérialité et à sa fragilité.
À rebours de l’asséchement de nos visions du futur, dans lequel les objets techniques sont abstraits de leurs denses réseaux de dépendances écologiques, techniques, politiques, et humains, nous sommes peut-être enfin devenus capables de comprendre ce qui nous arrive au quotidien quand nous manipulons des objets techniques (et sommes manipulés par eux) : smartphones, tablettes, couteaux de cuisine, avions, feux rouges, cloud computing ou chaussures. Les objets techniques ne peuvent pas être réduits à quelque chose qui viendrait nous menacer depuis un lointain temporel ou géographique. Ils sont ce sur quoi nous comptons pour communiquer, manger, circuler, travailler. Mais savons-nous écouter les effets qu’ils produisent sur nous, nos corps, nos rythmes, nos relations ou nos pensées ?
Au travers, selon les possibilités et désirs, d’une conférence richement illustrée ou d’un atelier d’enquête d’une journée, il s’agira de repenser des notions comme l’autonomie et la liberté, et tenter de renouveler les ressources avec lesquelles nous nous projetons dans le futur.
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