D’avril 2014 à mai 2017, j’ai été conseiller de François Hollande, en charge de la communication et des relations avec la presse. Ma mission était de tenter de faire comprendre aux Français le sens de son action à la tête de l’Etat. Ce métier de conseiller en communication n’était pas une découverte pour moi. Je l’avais déjà appris et pratiqué auprès de Bertrand Delanoë, alors maire de Paris, puis de Laurent Fabius, alors ministre des affaires étrangères. Mais il a été profondément transformé en cinq ans, sous l’effet de la révolution numérique, qui est la révolution industrielle du 21ème siècle. Près de 20 ans après l’arrivée d’internet et du téléphone mobile, les mutations technologiques se sont accélérées et répandues, conduisant à une profonde mutation des modes de communication : l’audience des réseaux sociaux a augmenté de façon exponentielle, la couverture du réseau 4G s’est étendue sur quasiment tout le territoire, le taux d’équipement en smartphone a doublé, l’intelligence artificielle a vu le jour… Nous avons dû nous y adapter tous les jours, comme les journalistes, pour trouver de nouveaux repères dans un paysage médiatique complètement chamboulé.
Aujourd’hui, l’information ignore les bornes temporelles. Elle se diffuse en continue sur internet et les chaines d’information. Elle ne connait plus les frontières géographiques. Un évènement à l’autre bout du monde peut avoir des répercussions en France et réciproquement. Elle trouve sa source partout, chaque citoyen pouvant diffuser images ou des textes sur les réseaux sociaux. Plus d’unité de temps, plus d’unité de lieu, plus d’unité d’action. Tout semble dispersé. Une véritable tragédie sans repère.
Dans ce contexte, les leaders et personnalités publiques, qu’ils soient hommes politiques, chefs d’entreprises, artistes ou sportifs, sont souvent perdus, comme s’ils avaient égaré le mode d’emploi de leur communication. Comment protéger sa réputation ? Comment se faire connaitre ? Comment se faire comprendre ? Comment reprendre le contrôle ?
Selon moi, après de dix ans d’expérience du conseil en communication, il n’existe pas de recettes miracles. Mais j’ai cependant quelques convictions.
La première est qu’il n’est plus possible de subir. L’adage « pour vivre heureux vivons cachés » n’est plus de mise. Une réputation se détruit très vite sur internet. Ne pas réagir est souvent suicidaire. Il faut se battre et se défendre, pour rétablir la vérité.
La deuxième est qu’il est illusoire de penser tout pouvoir contrôler, tant le nombre de supports médiatiques augmente de façon exponentielle et tant le principe même des réseaux sociaux est de permettre à chaque individu de réagir de façon libre, à visage découvert ou de façon anonyme. Le salarié, le consommateur, le fan, le concurrent, tout le monde peut prendre la parole pour donner sa version des faits, contredire et interpeller. Pour y faire face, il faut maitriser la géographie des réseaux sociaux, savoir où se trouvent l’audience et l’influence et répondre en calibrant son message et en maitrisant sa distribution en ligne, afin de susciter le maximum d’engagement des cibles que l’on veut toucher.
La troisième est que les réseaux sociaux ne sont pas un risque pour ceux qui ont compris qu’ils constituent une formidable opportunité, pour toucher le plus grand nombre, s’adresser aux jeunes qui ont déserté depuis longtemps les médias traditionnels, convaincre les leaders d’opinions qui s’informent maintenant en ligne et donner confiance à ses propres salariés, qui passent plusieurs heures sur Facebook, Linkedin, Instagram, Snapchat et Twitter, même pendant les horaires de travail… Pour cela, il faut construire une véritable identité numérique, singulière, c’est-à-dire correspondant à sa personnalité, mais aussi cohérente vis-à-vis de son rôle dans la société. Cette identité numérique doit être au service d’une vision et d’un engagement, pour son pays, son entreprise, son association, son club, sa troupe… Elle doit enfin être décliné jour après jour, sur les différents réseaux sociaux, en adaptant les messages et les images diffusés à la spécificité de chacun d’entre eux.
Bien entendu, ces règles doivent s’adapter à chaque contexte et personnalité. Dans un monde médiatique et numérique en plein changement, la modestie et le pragmatisme s’imposent. Il faut savoir s’adapter en permanence, tenter, essayer et corriger. « Test fast, fix fast, learn fast » comme disent les Anglo-saxons. Mais au final, j’ai une certitude, que l’année 2017 a largement confirmé dans le champ politique, c’est ceux qui ont de l’audace et prennent des risques qui ont le plus de chance de convaincre et de l’emporter !