27 avril 2020, Clara Guila Kessous, enseignante chercheur à l’Université de Harvard, coach, conférencière, et ambassadrice UNESCO ,vous présente sa vision sur cette crise et propose des concepts essentiels pour traverser cette période.
Contre le principe d’« immunité collective » et pour celui d’« humanité collective ».
A l’heure, où la notion d’ « immunité collective » est d’actualité, il serait intéressant de se pencher sur celle d’ « humanité collective » qui, par acte de solidarité, permet de dessiner un contour humain du collectif plutôt que d’en faire un moyen darwinien d’endiguement de l’épidémie.
Jamais les réseaux sociaux n’ont autant été réquisitionnés pour inciter à la manifestation « d’actes de gentillesse gratuits » : proposition de chants sur les balcons comme en Italie, applaudissements à 20 heures depuis sa fenêtre pour saluer le corps médical, etc. Ces actes sont au service d’une valeur profonde : celle de l’humanité, de l’être ensemble dans cette épreuve et jusqu’au bout. Etre confiné ne signifie-t-il pas « finir ensemble ? Albert Camus ne nous rappelle-il pas que « La seule façon de mettre les gens ensemble, c’est encore de leur envoyer la peste » ?
Avec le bouleversement qu’impose le coronavirus, nous nous retrouvons dans une optique de fonctionnement de survie, reliée au cerveau reptilien, dont Walter Bradford Cannon illustrait le mode d’emploi par l’expression des « 3 F » : Fight, Flight, Freeze. Devant une menace, le cerveau nous dicte une conduite spontanée qui est quasi impossible à anticiper, liée à une réaction soit d’agressivité (fight) soit d’esquive (flight ), ou de saisissement (freeze).
La frustration extrême, dans le cas du coronavirus, est que le cerveau a beau nous ordonner de combattre : notre menace est invisible. Il a beau nous ordonner de fuir : nous sommes tenus à nous confiner chez nous. Il ne nous reste qu’une seule option : la sidération qui inhibe. Et c’est bien celle-ci que nous pouvons lire sur le visage des officiels qui prennent la parole pour expliquer la situation dans les médias. C’est celle qui nous anime tous. Or nous avons, dès maintenant, besoin de solliciter le leader qui est en nous, celui qui « montre la voie », celui qui crée de l’enthousiasme, celui qui est inspirant, celui qu’on a envie de suivre. Dépasser la sidération suppose trois axes de réflexion précis. Deux, liés au « leadership personnel », ont été – consciemment ou inconsciemment – choisis par de nombreux survivants de génocides (Shoah, Rwanda, Bosnie,…) que j’ai pu suivre lors d’encadrements spécialisés à la prise de parole post-traumatique dans le cadre d’un travail de coaching.
1.Trouver une nouvelle « homéostasie ».
Découvert initialement par le scientifique Claude Bernard, le terme « homéostasie » renvoie à la faculté du corps de s’autoréguler, malgré les déséquilibres de toutes sortes qui proviennent de facteurs externes. Il s’agit ainsi de la faculté d’équilibre du corps malgré l’adversité. Cette homéostasie, ce « rééquilibrage » suppose une prise de conscience de la réalité corporelle et, tout comme dans l’art martial russe Systema, de ne pas se « raidir » face au coup sous l’emprise de la sidération mais de se « désaxer » face à la menace en dépensant le moins d’énergie possible.
Puisqu’on ne peut combattre seul le virus, puisqu’on ne peut fuir de chez soi, alors faisons de ce chez soi, de ce corps qui est le nôtre, une entité consciente, alerte et adaptable en étant attentif à ce qu’il nous dit. En prenant un moment par jour pour le déployer, pour en considérer la capacité de s’autograndir et en mesurer la beauté et la fonctionnalité. L’activité sportive, bien sûr, en est une très bonne illustration. Mais la simple mise en mouvement lente, dans une chorégraphie profonde en lien avec ce dont le corps a besoin, ou un simple exercice d’équilibre – au moins une fois par jour – serait très bienvenu(e).
2. Remplacer la résilience par l’ « optimisme tragique ».
La « résilience », notion chère au neuropsychiatre Boris Cyrulnik, suppose une volonté de reconstruction suite à un traumatisme accepté et traversé. Nous n’en sommes pas au post-événement, nous n’avons pas le recul nécessaire à cette « distance critique », d’autant que la « résilience » commence de la même manière que la « résignation ». La notion d’ « optimisme tragique » de Victor Frankl serait plus appropriée à la situation. Il ne s’agit pas d’ « happycratie », de se forcer à être heureux de manière superficielle. Il s’agit de l « attitude optimiste face au tragique de l’existence [qui] permet : […] De changer la souffrance en motif de réalisation et d’accomplissement. […] De déduire du caractère éphémère de la vie l’envie d’opter pour une conduite responsable . ». L’ « optimisme tragique » ne vient pas « colorer » de rose la réalité anxiogène du taux de mortalité actuel du coronavirus. Il le rationnalise, face aux chiffres du taux de guérison, et tente de nous permettre d’aller chercher en soi les ressources nécessaires pour tenir bon face à un tragique de l’existence qui nous dépasse.
« Changer la souffrance en motif de réalisation », cela veut dire oser faire ce que Xavier De Maistre avait fait bien avant nous : un « Voyage autour de [s]a chambre » en 1794 – un peu comme l’avait fait Descartes avant lui dans ses « Méditations Métaphysiques » – et découvrir les richesses insoupçonnées de sa « chambre intérieure ». Mais bien sûr avec un mental d’acier. Cet « optimisme tragique » peut être vécu, grâce à des exercices de psychologie positive, comme l’opportunité de garder le cap mental et un oeil avisé sur la situation : ni trop fataliste, ni naïvement dans le déni du danger.
3. Recréer une intelligence collective par visioconférence.
Cet axe de réflexion provient de l’expérience que j’ai, depuis plusieurs semaines de coaching de dirigeants par visioconférence. Il permet d’appréhender une manière de continuer à créer du lien avec les collaborateurs quand il n’y a plus de présentiel. Ici, le leadership, après avoir été travaillé sur le plan physique et mental, demande à être réinventé d’un point de vue organisationnel, surtout s’il s’agit d’une entité qui n’a pas l’habitude du télétravail. La méthode «d’appreciative inquiry» est excellente pour recréer de l’intelligence collective en temps de crise et est tout à fait applicable par visioconférence. Elle suppose d’identifier les facteurs de réussite différenciants du collectif pour resserrer les liens, en particulier en temps de difficulté, et montrer que le leadership n’est pas qu’une question de gestion d’autorité pyramidale mais bien une gestion d’hommes et de femmes au service de valeurs communes et qui doivent faire front ensemble aux aléas tels que le coronavirus. Bien sûr, l’appreciative inquiry n’est pas la seule méthode qui existe et je conseille vivement la plateforme « Liberating Structures », qui propose – au travers de son application gratuite « Lisa » – toutes sortes de pistes de réflexion et de méthodologies qui mettent l’intelligence collective à l’honneur.
***
Les conférences de Guila Clara Kessous
I. Les paradoxes du déconfinement ou comment réinventer la liberté au travail
Savoir gérer l’après-crise en se penchant sur les fondamentaux de communication, stratégie et rapport à l’autre.
Objectifs :
II. Management Positif : Fédérer vos équipes avec la psychologie positive
Vous voulez faire intervenir Guila Clara Kessous dans votre entreprise, contactez nous •
Pour en savoir plus, vous pouvez nous contacter
Par téléphone : 01 44 92 44 92
Par mail : adgency@adgencygroup.com